La maison de Fozzano

Publié le par Damien

Une maison de vacances ne vit pas à la même vitesse qu’une habitation normale. Elle ne vit que quelques semaines ou quelques mois par an. Les meubles sont comme un vieil armagnac, hors d’âge, et cela n’a aucune importance. On retrouve des photos, des jeux, des souvenirs dont l’origine se compte en décennies. La nostalgie naissante de ces marques du passé se cicatrise avec les nouvelles générations qui découvrent ces lieux. Les gamins ne font pas encore attention à tous ces reliquats estivaux…

Et dans un tas de journaux et magasines amassés au cours des vingt-cinq années passées, je découvre avec enthousiasme les numéros 4 et 5 du bimensuel « Saveurs » datés du printemps 1990. Je ne sais même pas si cette revue existe encore. Au premier regard, on devine qu’elle n’est pas toute jeune, en découvrant une publicité pour Dunhill en quatrième de couverture… et en couverture, la question fatale : « vins 1989 : l’année du siècle ? ». Deux décennies plus tard, l’analyse est bien plus facile mais malheureusement, il ne reste plus beaucoup de flacons abordables pour le vérifier. L’article compare le millésime à celui de 1961 et plus étrangement à celui de 1976. Un petit sondage auprès de vigneron pose la question : Hubert de Montille dément, Bertrand Devillard confirme. Un autre article s’étonne de l’augmentation du prix du vin, rendez vous compte, un Château La Lagune 1982 à 280 Francs, un Cos d’estournel 1985 à 350 F !!! Un scandale…Les deux journalistes sont subjugués par des Corton-Charlemagne vendus 1000 Francs le flacon, et se rassurent en affirmant qu’il est toujours possible de trouver de bon bordeaux rouges à 20-25 francs.

Mais le vrai régal reste les photos, magnifiques soit dit en passant, par rapport à ce qu’on peut regarder aujourd’hui. On redécouvre un Ducasse bien barbu, un Pourcel juvénile, des clichés géniaux d’Alphonse Mellot ou autre Vincent Pinard, et de fabuleux gros plans sur des bouteilles de Plageoles. Un délice pour les yeux, un régal pour l’esprit.

Mais le plaisir suprême de la maison de Fozzano (prononcez Fozzan’), c’est d’ouvrir simplement les deux volets vieillis par le temps de la porte fenêtre de la cuisine, faire un pas sur la petite terrasse et prendre en plein visage la vue sur le golfe de Propriano... sûrement la seule chose qui n’a pas beaucoup changé en vingt-cinq ans.

vue de Fozzano, début du siècle dernier

 

 

Publié dans Etats d'âmes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article